L’artiste
Biographie
Félix Rozen est un peintre français dont le travail est marqué par les tourments et les innovations du XXe siècle.
Rozen a d’abord vécu les exils, les deuils, le chaos du monde avant d’inventer sa propre écriture qui lui a permis, à la fois dans la peinture, la sculpture et la musique de concevoir des œuvres qui disent aussi la beauté des choses.
» Quand l’enfance est en ruine et que l’histoire s’acharne à déconstruire les êtres, combien d’hommes pourraient dire, comme Max Jacob, que pour ce qui est des souffrances ils en ont “pris plein la mémoire”. Félix Rozen est de ceux-là « , écrit l’essayiste Nicole Ambourg.
Né à Moscou le 12 janvier 1938 de parents mélomanes austro-polonais, Félix Rozenman dit Félix Rozen voit le jour dans la pire période de l’histoire européenne contemporaine. Son père, militant internationaliste, l’évacue au sud de l’Oural en 1941, avec sa sœur et sa mère, dont la famille sera exterminée dans les camps nazis. Son frère aîné trouvera, lui, la mort en 1944, sur le front biélorusse. Après-guerre, la famille suit les missions du père attaché culturel à l’ambassade polonaise de Prague, avant de s’installer à Varsovie, en 1948. En 1952, ils passent une année à Helsinki. Le 1er janvier 1956, la mère de Félix Rozen meurt d’un cancer, il a 17 ans. Déjà animé par la peinture, il décide néanmoins d’étudier à l’École d’Électronique de Varsovie avant d’être admis à l’Académie des Beaux-Arts en 1959, où il reçoit une formation très complète en gravure, dessin, photographie, architecture d’intérieur, création de meubles…
Un an après le décès de son père, et pressentant la dérive des évènements politiques en Pologne, il s’exile à Paris en 1966, à l’âge de 28 ans, accompagné de sa première épouse, Elżbieta Koślacz, comédienne. « L’art était en France, tous les artistes vivaient à Paris », dira-t-il plus tard. Paris, une ville qu’il connait déjà. Il y a fait de courts séjours, se liant d’amitié avec Sonia Delaunay, Zadkine ou le mime Marcel Marceau (lire le récit de ces premières années dans Rozen by Rozen).
Il s’installe dans le quartier de Montparnasse chez Xana Pougny, la veuve du peintre franco-russe Jean Pougny, où le peintre Kikoïne lui conseille de raccourcir son nom en Rozen.
En 1967, il passe plusieurs mois en résidence à l’abbaye de Royaumont, aux côtés entre autres de la photographe Gisèle Freund qui restera une fidèle et dont il admirera les portraits de créateurs, réalisant que « tout se voit sur un visage ». Ses peintures figuratives et réalistes sont toujours sous l’influence de l’École de Paris, en particulier de Soutine, il peint à l’huile et s’attaque sérieusement à la gravure.
En 1970 naît sa première fille. Il partage alors son temps entre Paris et Collias, village du Gard où le boulanger n’est autre que son cousin, Ernest Frankel, ancien résistant et rescapé de Dachau et Buchenwald. Rozen y retapera des années durant une petite maison biscornue où il travaillera tous les étés, appréciant comme Chagall, Cézanne ou son contemporain Anselm Kiefer, la lumière qui irradie la garrigue et les ateliers. Il rompt définitivement avec le réalisme. En 1972 et 1973, il créé et dirige le Festival de Collias, conviant de célèbres musiciens, peintres et cinéastes. Jean-Louis Trintignant leur prête, en voisin, la cour de sa propriété pour une création théâtrale.
En 1974, Félix Rozen est naturalisé français et expose à la Galerie Simone Badinier des toiles aux « jaillissements éclatants, [exprimant] un engagement sauvage sur le plan de l’esprit et du cœur », écrit le poète Pierre Béarn. La même année, il rencontre la critique d’art Georgina Oliver qui deviendra sa seconde épouse et avec qui il aura quatre enfants.
Sculpteur, réalisateur de courts-métrages, affichiste pour France Culture, enseignant (à l’École des Beaux-Arts de Besançon, à l’Université de Vincennes et à la Sorbonne), il continue d’ouvrir son registre artistique, devenant par ailleurs auteur et acteur de performances.
À partir de 1977, Félix Rozen vit et travaille à Boulogne-Billancourt où il a obtenu, grâce au soutien du peintre Georges Mathieu, un atelier proche de l’Île Seguin.
Rozen cherche maintenant à composer sa propre écriture. Lui qui a toujours rêvé de devenir chef d’orchestre témoigne dans ses carnets d’une recherche foisonnante autour du signe, mêlant musique et peinture. Ses œuvres changent, les strates se multiplient. L’helléniste et poète Jacques Lacarrière y reconnaitra des « palimpsestes ». Il se rapproche dans cet esprit-là des membres du mouvement COBRA, Christian Dotremont et Pierre Alechinsky, et commence au même moment une série de portraits photographiques d’artistes.
Au fil des affinités, il participe à des expositions collectives avec Bram Van Velde, Aristide Caillaud, Jean Messagier.
En 1979-1980, il passe plusieurs mois à New York. Au Chelsea Hotel, il travaille les lignes et les zigzags, la cire et les pigments (série New York).
De retour en France, la musique est désormais au cœur de ses expérimentations et de son œuvre. En janvier 1981, il créé pour Jean-Yves Bosseur et l’ensemble Intervalles la partition graphique Opus Incertain. Ce qui lui ouvrira les portes du Center for Music Experiment de San Diego et de la New York University, où ses Computer Series, générées par ordinateur, mêleront sons, images et informatique.
En 1985, Félix Rozen séjourne à Tokyo. Il travaille désormais sur papier japon. Papier dont il apprécie la texture parce qu’elle permet « aux couleurs de vibrer ». En témoigne sa Tokyo Series.
En 1990, il met au point un procédé de gravure à la cire et au feu baptisé Pyrocera, dont il déposera le brevet à l’Institut national de la propriété industrielle. Il étend ce procédé à la peinture ce qui lui permettra dans ses séries Mystères et Double Vision, sortes de « bas-reliefs-sculptures », comme il les nommait lui-même, d’apporter une troisième dimension picturale, évoquant le temps.
En 2004, une rétrospective est organisée au Musée des Années 30 à Boulogne-Billancourt. En décembre 2005, la Galerie Jeanne Bucher lui consacre une exposition dédiée à ses Lettres à Paul Klee.
Suivront les Séquences Plagales, London Calling, Venise Calling, puis Traces Numériques : ramassant chez son imprimeur les chutes des reproductions en offset de ses catalogues, il les transforme, les recouvrant de couches de peinture qu’il gratte, griffe, caresse avec des outils inventés pour l’occasion, réalisant des œuvres de petits-formats.
En 2010, atteint d’une maladie neuro-dégénérative, il n’en lâche pas pour autant les pinceaux. Ses perceptions modifiées, il produit la Série floue qui n’a encore jamais été exposée. Il s’éteint le 6 octobre 2013. Ses proches se réunissent en association afin de partager son œuvre avec le grand public.
Félix Rozen est un peintre français dont le travail est marqué par les tourments et les innovations du XXe siècle. Rozen a d’abord vécu les…
Félix Rozen est un peintre français dont le travail est marqué par les tourments et les innovations du XXe siècle.
Rozen a d’abord vécu les exils, les deuils, le chaos du monde avant d’inventer sa propre écriture qui lui a permis, à la fois dans la peinture, la sculpture et la musique de concevoir des œuvres qui disent aussi la beauté des choses.
» Quand l’enfance est en ruine et que l’histoire s’acharne à déconstruire les êtres, combien d’hommes pourraient dire, comme Max Jacob, que pour ce qui est des souffrances ils en ont “pris plein la mémoire”. Félix Rozen est de ceux-là « , écrit l’essayiste Nicole Ambourg.
Né à Moscou le 12 janvier 1938 de parents mélomanes austro-polonais, Félix Rozenman dit Félix Rozen voit le jour dans la pire période de l’histoire européenne contemporaine. Son père, militant internationaliste, l’évacue au sud de l’Oural en 1941, avec sa sœur et sa mère, dont la famille sera exterminée dans les camps nazis. Son frère aîné trouvera, lui, la mort en 1944, sur le front biélorusse. Après-guerre, la famille suit les missions du père attaché culturel à l’ambassade polonaise de Prague, avant de s’installer à Varsovie, en 1948. En 1952, ils passent une année à Helsinki. Le 1er janvier 1956, la mère de Félix Rozen meurt d’un cancer, il a 17 ans. Déjà animé par la peinture, il décide néanmoins d’étudier à l’École d’Électronique de Varsovie avant d’être admis à l’Académie des Beaux-Arts en 1959, où il reçoit une formation très complète en gravure, dessin, photographie, architecture d’intérieur, création de meubles…
Un an après le décès de son père, et pressentant la dérive des évènements politiques en Pologne, il s’exile à Paris en 1966, à l’âge de 28 ans, accompagné de sa première épouse, Elżbieta Koślacz, comédienne. « L’art était en France, tous les artistes vivaient à Paris », dira-t-il plus tard. Paris, une ville qu’il connait déjà. Il y a fait de courts séjours, se liant d’amitié avec Sonia Delaunay, Zadkine ou le mime Marcel Marceau (lire le récit de ces premières années dans Rozen by Rozen).
Il s’installe dans le quartier de Montparnasse chez Xana Pougny, la veuve du peintre franco-russe Jean Pougny, où le peintre Kikoïne lui conseille de raccourcir son nom en Rozen.
En 1967, il passe plusieurs mois en résidence à l’abbaye de Royaumont, aux côtés entre autres de la photographe Gisèle Freund qui restera une fidèle et dont il admirera les portraits de créateurs, réalisant que « tout se voit sur un visage ». Ses peintures figuratives et réalistes sont toujours sous l’influence de l’École de Paris, en particulier de Soutine, il peint à l’huile et s’attaque sérieusement à la gravure.
En 1970 naît sa première fille. Il partage alors son temps entre Paris et Collias, village du Gard où le boulanger n’est autre que son cousin, Ernest Frankel, ancien résistant et rescapé de Dachau et Buchenwald. Rozen y retapera des années durant une petite maison biscornue où il travaillera tous les étés, appréciant comme Chagall, Cézanne ou son contemporain Anselm Kiefer, la lumière qui irradie la garrigue et les ateliers. Il rompt définitivement avec le réalisme. En 1972 et 1973, il créé et dirige le Festival de Collias, conviant de célèbres musiciens, peintres et cinéastes. Jean-Louis Trintignant leur prête, en voisin, la cour de sa propriété pour une création théâtrale.
En 1974, Félix Rozen est naturalisé français et expose à la Galerie Simone Badinier des toiles aux « jaillissements éclatants, [exprimant] un engagement sauvage sur le plan de l’esprit et du cœur », écrit le poète Pierre Béarn. La même année, il rencontre la critique d’art Georgina Oliver qui deviendra sa seconde épouse et avec qui il aura quatre enfants.
Sculpteur, réalisateur de courts-métrages, affichiste pour France Culture, enseignant (à l’École des Beaux-Arts de Besançon, à l’Université de Vincennes et à la Sorbonne), il continue d’ouvrir son registre artistique, devenant par ailleurs auteur et acteur de performances.
À partir de 1977, Félix Rozen vit et travaille à Boulogne-Billancourt où il a obtenu, grâce au soutien du peintre Georges Mathieu, un atelier proche de l’Île Seguin.
Rozen cherche maintenant à composer sa propre écriture. Lui qui a toujours rêvé de devenir chef d’orchestre témoigne dans ses carnets d’une recherche foisonnante autour du signe, mêlant musique et peinture. Ses œuvres changent, les strates se multiplient. L’helléniste et poète Jacques Lacarrière y reconnaitra des « palimpsestes ». Il se rapproche dans cet esprit-là des membres du mouvement COBRA, Christian Dotremont et Pierre Alechinsky, et commence au même moment une série de portraits photographiques d’artistes.
Au fil des affinités, il participe à des expositions collectives avec Bram Van Velde, Aristide Caillaud, Jean Messagier.
En 1979-1980, il passe plusieurs mois à New York. Au Chelsea Hotel, il travaille les lignes et les zigzags, la cire et les pigments (série New York).
De retour en France, la musique est désormais au cœur de ses expérimentations et de son œuvre. En janvier 1981, il créé pour Jean-Yves Bosseur et l’ensemble Intervalles la partition graphique Opus Incertain. Ce qui lui ouvrira les portes du Center for Music Experiment de San Diego et de la New York University, où ses Computer Series, générées par ordinateur, mêleront sons, images et informatique.
En 1985, Félix Rozen séjourne à Tokyo. Il travaille désormais sur papier japon. Papier dont il apprécie la texture parce qu’elle permet « aux couleurs de vibrer ». En témoigne sa Tokyo Series.
En 1990, il met au point un procédé de gravure à la cire et au feu baptisé Pyrocera, dont il déposera le brevet à l’Institut national de la propriété industrielle. Il étend ce procédé à la peinture ce qui lui permettra dans ses séries Mystères et Double Vision, sortes de « bas-reliefs-sculptures », comme il les nommait lui-même, d’apporter une troisième dimension picturale, évoquant le temps.
En 2004, une rétrospective est organisée au Musée des Années 30 à Boulogne-Billancourt. En décembre 2005, la Galerie Jeanne Bucher lui consacre une exposition dédiée à ses Lettres à Paul Klee.
Suivront les Séquences Plagales, London Calling, Venise Calling, puis Traces Numériques : ramassant chez son imprimeur les chutes des reproductions en offset de ses catalogues, il les transforme, les recouvrant de couches de peinture qu’il gratte, griffe, caresse avec des outils inventés pour l’occasion, réalisant des œuvres de petits-formats.
En 2010, atteint d’une maladie neuro-dégénérative, il n’en lâche pas pour autant les pinceaux. Ses perceptions modifiées, il produit la Série floue qui n’a encore jamais été exposée. Il s’éteint le 6 octobre 2013. Ses proches se réunissent en association afin de partager son œuvre avec le grand public.