« Peintre, Rozen le reste totalement, si bien que l’on peut, à la rigueur, ne voir dans ses toiles qu’un vombrissement de la couleur, la turbulence de ses incendies. En revanche sa sculpture, par sa définition même, insiste plus volontiers sur le réalisme. Elle en résume les points forts, elle l’enferme dans une sorte de signalisation spatiale très rapide, elliptique même, dont l’élégance est un témoignage de discrétion : il convient de ne pas s’attarder, de dire vite l’angoisse qui noue, le geste qui a meurtri, le dialogue qui s’enlise dans le silence, la liberté impossible. »
Jean-Jacques Lévêque dans sa préface de « ROZEN, peintures – sculptures 1971-75 », Paris M.I.A, 1975.
Le 23 janvier 1978, Félix Rozen écrit à Jean-Maurice Rouquette, Conservateur des Musées d’Arles :
« Cher Monsieur,
Depuis nos rencontres en Arles l’été dernier, il m’arrive bien souvent de penser à vous, ainsi qu’au remarquable travail que vous accomplissez pour vos musées.
J’ai gardé un souvenir particulièrement vif de votre exposition sur l’art mésopotamien (…).
Dans mon enfance, parmi les premières images artistiques qui m’aient impressionné (…) figure, dans un livre datant de 1948 sur Van Gogh, un tableau sur le thème des chaussures.
Adolescent, un autre évènement personnel où les chaussures jouèrent un rôle important me toucha. Je préférerais pouvoir vous l’évoquer de vive voix, mais je vais tout de même essayer de le résumer.
À l’époque où cela se passait, il était difficile d’obtenir des chaussures en Pologne. Un jour ma mère a réussi à en obtenir un certain nombre. Etant donné leur rareté, elle avait jugé bon d’en faire un petit stock. Ces chaussures prirent, par la suite, une signification extrême, puisqu’elles survécurent à ma mère et que je les trouvai[s] à sa mort par hasard dans un coin de placard qu’elle leur avait réservé. Tout cela pris une ampleur nouvelle sur le plan artistique, lorsqu’en 1972, je fis la découverte à Collias d’une autre chaussure…
… une « petite godasse de grand-mère » enfouie dans la terre. Quel magnifique caillou ! Pensai-je au début, puisqu’elle ne montrait que sa pointe, pointe d’iceberg. Imaginez mon étonnement quand en voulant jouer au géologue je saisissais le « caillou » ! Ce n’était pas un simple caillou, mais une véritable maison : une splendide chaussure-fourmilière toute tordue (à barrette comme pour une fillette, mais aussi à talon, donc plutôt pour une grand-mère). Chaussure ancrée verticalement dans la terre, dans laquelle existait la vie, celle de toute une fourmilière qui s’y était installée.
Voilà comment l’idée de la chaussure s’est superposée, au passé et au présent, dans ma tête pour devenir un acquis de mon subconscient créatif (…). »
Dans les années 70, Félix Rozen réalise la fonte en bronze de ses sculptures à la Fonderie Clementi, à Meudon, ainsi que chez Bernard Grollier à Jaunay-Clan, près de Poitiers.
Au début des années 80, à la suite de son séjour de plusieurs mois à New York, son travail prend un tournant « tout à fait nouveau (…). Jusqu’alors mes sculptures étaient réalisées en bronze, désormais, j’employais des matériaux bien moins ‘raffinés’ : la cire qui me servait auparavant de matériel de préparation, devient un matériau autonome coloré dans la masse à l’aide de pigments. Puis, à l’issue d’une rencontre avec l’artiste-artificier Pierre-Alain Hubert, vinrent s’ajouter d’autres “matériaux” explosifs. » Cf. Les sculptures en cire et corde à feu, sur la dernière image de cette section.